Récollection à Aiguebelle

« En ce Week-end du 3-4 décembre, l’abbaye d’Aiguebelle accueillait en ses murs un petit groupe de 24 personnes issues de notre paroisse et 2 couples amis, des Equipes-Notre-Dame.

Week-end de récollection dont le thème était : « Nous proclamons un messie crucifié, scandale pour les juifs, folie pour les païens ».

Thème ardu et décalé en ce temps de Noël ?

Et pourtant… Noël n’est-il pas déjà l’annonce de ce qui allait se passer ? Bethléem (maison du pain) l’annonce déjà de ce Jésus qui nous donne son corps dans l’eucharistie ?

Ce Jésus qui par amour pour chacun de nous accepte d’endosser le scandale qu’est la croix pour prendre sur Lui la folie de notre monde.

Bruno Deroux, l’animateur de ce Week-end nous fit entrer dans ce mystère par petites touches.

Tout d’abord durant la première intervention en posant un regard sur celle qui, au dire de ses sœurs, avait une manière toute particulière de faire le signe de croix. Bernadette de Lourdes avait été enseignée par la vierge elle-même. Puis en parcourant l’histoire et en regardant comment la croix y a été omniprésente et a évolué avec le temps. Avec les psaumes, le priant lève les bras vers le ciel. Le priant d’aujourd’hui devient cette croix sur laquelle Jésus, debout, les bras ouverts est venu rassembler Dieu et les hommes. Cette croix, acte d’amour du Christ par lequel Il est venu réconcilier les hommes avec Dieu et les hommes entre eux.

La croix, tradition non écrite, mais qui a traversé le temps. Geste qui se fera sur le front, les lèvres ou le cœur. Geste qui se déploiera de la tête (représentant le ciel, lieu de la présence de Dieu) jusqu’au sol (lieu du tombeau) remplacé ensuite par jusqu’au ventre (né de la vierge Marie) et enfin jusqu’aux bras (que grâce à ton Esprit, je répande Ton amour auprès de mes frères).

Dans son deuxième enseignement, Bruno nous interroge : « Comment vivre au quotidien de la croix du Christ ? » Si la croix est le signe de l’amour qui se donne jusqu’au bout, elle est aussi le signe du combat. Combat de Jacob avec l’ange de Dieu. Combat de Paul qui dans sa chair a les stigmates du Christ. Nous aussi, par le baptême, nous portons les marques du Christ.

La croix opère en nous des renversements : plus nous tombons bas, et plus nous avons la chance de Le rencontrer. Comment vivre alors les bras ouverts ? :

* Il n’y a de vie réussie que les bras ouverts (On ouvre les bras pour apprendre à un bébé à marcher, pour consoler lors de funérailles, dans un couple pour signifier son amour).

* On refuse la rencontre quand nos bras ne s’ouvrent plus (On ne tend plus les bras quand l’ambition nous obsède, quand on boude, on est déçu).

* On aurait besoin des autres, mais on en peut plus (là encore on refuse la rencontre).

* Parfois aussi nos mains sont clouées comme celles du Christ (blessures de l’enfance, maladies, épreuves), il est bon alors de se mettre à la place du christ qui a vécu la honte d’être nu devant la foule Lui qui aurait aimé consoler sa mère. Qui aurait aimer parler à la foule et ne peut que dire : « j’ai soif ». Qui aurait aimer continuer à guérir les malades, mais ses mains sont clouées. Accepter comme Jésus l’impuissance pour témoigner de Lui.

Le lendemain, nous avons parcouru ensemble le chapitre 23 de saint Luc sur la crucifixion de Jésus (évangile de la fête du Christ Roi). Parcouru ce texte non pas comme des « sachants », mais comme des « apprenants ». Pour accueillir la Parole : Qu’est-ce qu’elle me dit de l’homme, de Dieu, de Jésus, de l’Esprit. Puis en petits groupes, avant la messe, pour se dire : Qu’est-ce que cette Parole dit à moi aujourd’hui.

Après la messe et le repas, nous nous sommes retrouvés pour le dernier enseignement qui était centré sur « les paroles et les silences de Jésus sur la croix »

* Regarder la croix de Jésus, c’est entendre les paroles qu’il y a prononcées et qui nous sont adressées aujourd’hui : « j’ai soif », « Voici ta mère », « Tout est accompli », « Père pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font », « Aujourd’hui tu seras avec moi dans le paradis », « Père, entre tes mains, je remets mon esprit », « Mon dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ?».

* Regarder la croix, c’est aussi entendre les silences. Devant le Sanhédrin. Devant le reniement de Pierre. Devant Pilate. Devant les moqueries des passants. Devant les quolibets des scribes et des grands-prêtres. Devant le malfaiteur qui l’insulte. Et puis vient le Grand Silence : le silence de la Mort. Ce silence qui va parler au centurion : « Vraiment cet homme était le Fils de Dieu ». Un cri de foi incompréhensible, qui peut jaillir de manière inattendue dans la nuit la plus noire ou dans des circonstances les plus improbables.

La force de l’enseignement de Bruno vient du fait que ce qu’il partage est le fruit de la rencontre : des jeunes, des personnes en galère, des petits, des chercheurs… Des paroles qu’il consigne dans des carnets « des florilèges » et qui redonnées, peuvent rejoindre notre vécu, l’enrichir. Et en plus il est poète et musicien. Merci Bruno.

Durant ces deux jours, la Parole reçue s’est enrichie de la prière de la communauté monastique à laquelle nous étions conviés, de l’accueil de nos hôtes qui nous ont bichonnés et de la vie fraternelle qui a su se déployer malgré le silence demandé.

Merci à chacun pour ce beau moment.

Philippe Luciani