Intérieur de l’église de Jaillans

La nef
De la tribune, on observe mieux la nef :
« … une nef de quatre travées voûtées en berceau brisé, reposant sur de grands arcs de décharge en plein cintre plaqués contre les murs gouttereaux et portés par des doubleaux prenant appui sur six demi-colonnes ornées de chapiteaux historiés ou ornementaux taillés dans la molasse ». (ISMH 1926)

Le chœur
« …l’intérieur se compose d’une abside semi-circulaire voûtée d’un cul de four et éclairée à l’origine par une unique baie d’axe, très ébrasée intérieurement et extérieurement ; d’une travée de chœur (impostes à décor cordé) couverte d’une coupole sur trompe, qui porte le clocher ». (ISMH 1926)

Décoration intérieure
La pureté des lignes est soulignée par la simplicité et l’austérité d’un bel appareillage de pierre. En fait, la pierre n’est pas apparente partout, tant s’en faut, mais l’enduit réalisé, par la qualité de son imitation laisse oublier ces différences. En fait ceci était surtout vrai il y a quelques dix ou vingt ans, tant ces enduits ont souffert d’une période de fuites en toiture…

Les chapiteaux

On distingue deux séries de chapiteaux suivant leur époque :
- Une première série, située en haut des demi-colonnes, daterait du XIIe siècle.
- La seconde, située sous la tribune, daterait du XIVe siècle.

Les chapiteaux du XIIe siècle
Premier pilier gauche « Daniel dans la fosse aux lions » "Daniel dans la fosses aux lions"
C’est le chapiteau le plus connu depuis la publication de M.Delacroix. Une tradition dont on ne sait si elle est récente ou non, associe à ce chapiteau une réminiscence de la victoire sur la bête Jaille. Il nous paraît évident que ce chapiteau, comme les autres, a d’abord une symbolique romane religieuse. Peut-être l’association de la légende, si elle existait déjà au XIIe siècle, et de la peur qu’elle suscitait, permettait-il aux moines de rendre plus concret l’enseignement de ce chapiteau ?
« Le bandeau servant de tailloir au chapiteau porte une inscription latine… :
Qua(n)ta.d(e)i.pietas.qua(n)tum.meritu(m) Daniel(i)
bestia plena doli / non est
’Quelle est grande, la bonté de Dieu ! Qu’il est grand le mérite de Daniel ! La bête pleine de ruse n’est pas (ou : la bête n’est pleine de ruse) ’.

Premier pilier droit « L’Alpha et l’Oméga "Alpha et Oméga"
« Au-dessus du chapiteau décoré de grandes feuilles qui fait face à celui de Daniel la moulure porte elle aussi une inscription :
Ego.su(m). via veritas. et vita. Mémo ve(nit).
Sur les dés du tailloir on lit A et Q, écrits d’ailleurs de droite à gauche : l’artisan, ne sachant peut-être pas lire, a disposé à l’envers ses pochoirs ou ses modèles, ce qui n’est pas sans exemple aux XIe et XIIe siècles. Le texte évoque ici le Christ seul médiateur : « Je suis la voie, la vérité et la vie. Personne ne va au Père si ce n’est par moi (Jean, 14, 6). Alpha et Oméga ». L’écriture des deux textes montre que le lapicide a travaillé soigneusement.

Second pilier gauche « Quadrupèdes »
Ce chapiteau « …présente une scène de bestiaire dont la symbolique n’est pas évidente : trois petits quadrupèdes, à moitié dressés, se suivent à la queue leu leu sur la partie gauche et centrale de la sculpture, une patte appuyée pour les deux premiers sur la croupe de l’animal précédent, la tête placée sous chacun des petits dés de l’abaque ; leur fait face, sur la partie droite du chapiteau, un nouvel animal ».
Faut-il y voir le symbole de la lutte contre le mal, contre les multiples déviations, et pour ceux qui le voudront une seconde symbolique de la lutte contre la bête Jaille (celle bien réelle de la légende, ou celle qui sommeille).

Second pilier droit. Motif décoratif "Palmette"
Chapiteau « présentant une palmette largement épanouie en éventail renversé au-dessus de deux rameaux symétriques légèrement ascendants ».

Troisième pilier gauche. Motif décoratif
Chapiteau à feuilles d’eau.

Troisième pilier droit. Le bâton de pèlerin "le bâton de pélerin"
Scène à deux personnages.
« A gauche un homme debout, appuyé sur un bâton ; à droite un autre personnage lui fait face, courbé devant lui et tendant les bras comme pour recevoir des petits cylindres qui descendent du ciel. Plutôt que la scène de Mériba, où Moïse a fait jaillir l’eau du rocher après l’avoir frappé de son bâton (on ne voit pas ici de rocher), il doit s’agir du miracle de la manne, ce pain que Dieu a fait pleuvoir du ciel et que recueillaient les Israélites du désert (Exode, 16, 4). Sur l’angle ouest du chapiteau un masque crache des feuillages ».
« Au centre du chapiteau, un flot d’eau est représenté, c’est la source. A gauche, le personnage tient un bâton ». Rien ne permet de supposer qu’il s’agit de Moïse dans le désert et, surtout, il existe bien d’autres chapiteaux qui mettent en scène le bâton du pèlerin. Il s’agit, symbolisé par ce bâton, de toute une démarche de renoncement et de prière. A son terme, cette démarche provoque un renouvellement intérieur qui est lui symbolisé par le jaillissement de la source (étancher sa soif, retrouver la source, etc…). Et dans cette eau dont il a provoqué le jaillissement, l’homme se purifie et se régénère. C’est ce que montre l’attitude du personnage de droite. Évidemment, il s’agit, à gauche et à droite, du même homme ».

Les chapiteaux du XIVe siècle (sous tribune)
L’architecture de ces chapiteaux n’est plus la même. Les dés ont disparu, le biseau est remplacé par un cavet, l’astragale est souligné par un filet.
Apparition de fûts octogonaux. Les chapiteaux de l’envers de la façade sont maladroits, tandis que ceux qui sont à la limite de la nef se font l’écho des chapiteaux du XIIe siècle.

Premier pilier gauche. La clef "La clef" "La spatule"
« Un personnage,… brandit de la main droite une clef et de la gauche une spatule à long manche. Si la clef qui ouvre le Royaume reste facile à identifier, on a plus de peine avec la spatule : on peut se demander s’il ne s’agirait pas là de la pelle à vanner avec laquelle on nettoie l’aire et l’on sépare le blé de la paille, le ventilabrum à sens eschatologique de Matthieu, 3, 12 ».
« Le thème de la clef : il s’agit, sur ce chapiteau, du travail que le chrétien doit effectuer sur lui-même et qui est symbolisé par la transformation d’une simple ébauche, en objet fini. Le personnage tient dans la main gauche une « forme de clef » sans anneau ni panneton. Et il montre, dans sa main droite, une clef achevée et utilisable. En somme, ce personnage est passé de la matière brute (l’homme de la Chute) à un objet fini (une conversion réussie).
D’autres réflexions pourraient être ajoutées, si l’on tient compte du symbolisme propre à la clef : ouvrir les portes ».

Premier pilier droit. Les fidèles "Les fidèles"
« deux personnages debout, l’un à gauche les mains appuyées sur les hanches, l’autre à droite, plus grand, habillé, s’appuyant de chaque main aux piédroits de la niche sous laquelle il se trouve ».
« La sculpture est usée ; on distingue mal les gestes des personnages. Il s’agit sans doute d’un couple placé à côté d’un beau feuillage. Mais on ne peut en dire plus ».
Fidèles arrivant pour écouter la parole ?

Second pilier gauche : La danseuse
« On retrouve au nord-est une belle tête humaine crachant d’amples feuillages, de même qu’au sud-est ; sur un personnage, au sud-ouest comme au nord-ouest, le bourrelet au-dessus du front suggère la chevelure ; les vêtements ont de petits traits verticaux marqués sur leur partie inférieure. La tête humaine du nord-est et son feuillage, superbement stylisé, constituent une réussite à mettre sur le même plan que les meilleurs chapiteaux de édifice roman.
A côté, une femme habillée laisse sa chevelure, divisée en deux longs flots, former comme un arc autour de sa tête et redescendre à la hauteur de ses mains. Un arbre limite la scène à gauche. S’agit-il d’Eve, d’une danseuse tentatrice, d’une déesse du paganisme à la chevelure déployée comme un arc-en-ciel ? »
« On ne peut reconstituer les gestes du personnage qui est sans doute féminin. Au centre, un emblème circulaire qui accompagne souvent les anges et le Christ sur les sculptures romanes. A l’angle, une figure que l’on peut prendre (abondance de ce qui sort de la bouche) pour une représentation du bavardage. On en conclurait que le chapiteau était construit sur une opposition : perte de temps d’un côté (le bavardage), temps bien employé de l’autre… Ce n’est qu’une supposition ».
On pourrait peut-être aussi y voir une opposition entre le bien et le mal : la débauche de la danse et de la parole ?

Second pilier droit. La parole ?
Le chapiteau est très usé, mais on distingue bien deux têtes ressemblant à celles du pilier gauche, crachant ce magnifique feuillage.
Bavardage ? Il y en aurait bien beaucoup. Ou parole ? Incitation à être attentif, à écouter la parole ?
On notera que ce thème revient souvent (4 fois) dans les chapiteaux de Jaillans. C’était donc un thème important pour les Bénédictins.
Outre les chapiteaux, on ne peut ignorer deux autres éléments décoratifs : médaillons et clef de voûte.

Médaillons "Les têtes"
Qui sont les deux têtes sculptées sur l’extrados de l’arc supportant la tribune ? Donateurs ? Adam et Eve ? Les fidèles ? « Cette représentation d’une tête d’homme et d’une tête de femme est assez fréquente dans les églises romanes. Parfois, elles sont accolées. Ici, elles sont bien distinctes. C’est la présence dans l’église, des fidèles, hommes et femmes ».

Le mobilier
Fonts baptismaux fonts baptismaux
II semble qu’il y ait eu dans l’église plusieurs fonts baptismaux successifs, qui ont aujourd’hui disparu :
J. Mourier disait avoir trouvé dans l’église « un baptistère par immersion, qu’une main maladroite fit disparaître ». Cette main maladroite serait celle de Monsieur Escoffier.
« Ce baptistère, croit-on, a servi pour faire construire le maître autel qui est effectivement en grosse bâtisse et en mortier bâtard » (cet autel a été remplacé depuis).
Ce baptistère par immersion (s’il a vraiment existé) aurait ensuite été remplacé par un baptistère classique constitué d’une piscine soutenue par des happes en bois. J.Chabert en aurait retrouvé les traces lors de ses travaux : « en démontant les vieux fonts, nous trouvâmes les traces de fonts plus anciens qui étaient en bois et qui avaient été brûlés. Le feu avait carbonisé jusqu ’aux chevilles en bois que les ouvriers avaient placées pour maintenir les happes qui soutenaient la piscine ». Se référant à la tradition, J.Chabert pense que cet incendie pourrait dater des guerres de religion. Cet ancien baptistère aurait été remplacé après l’incendie par un nouveau, lui-même supprimé par J.Chabert pour y mettre, en 1877, un baptistère en pierre qu’il avait fait tailler à Romans pour 300 F et dont il ne fut pas satisfait. Ce dernier a aujourd’hui disparu à son tour. Nous n’avons aucune indication sur l’emplacement de ces baptistères successifs.
Aujourd’hui, un petit bassin encastré dans le mur ouest de la chapelle de la Vierge sert aux baptêmes.

Confessionnal
Ce meuble est également du XVIIe siècle. Il est également inscrit et a été restauré en 1993.

Les vitraux
Dessinés par Jules Perrot à la demande de J.Chabert, ils n’ont été mis en place qu’en 1893.
Il semble qu’auparavant il n’y ait eu que de simples vitres maintenues par des boiseries qui étaient en très mauvais état lorsque J.Chabert entreprit ses travaux.